L'œuvre de Maria Valtorta et l'Église

Le mot latin « imprimatur » signifie: « qu’il soit imprimé ».
C’est la formule qu’emploie l’autorité ecclésiastique pour indiquer son approbation des livres sur des sujets religieux qui, à son jugement, peuvent être publiés sans porter atteinte aux vérités de la foi et à l’intégrité des mœurs.

L’Évangile tel qu’il m’a été révélé (titre original: Il poema dell’Uomo-Dio – Le poème de l’Homme-Dieu), revêt le caractère essentiellement religieux d’une paraphrase de l’Évangile. Cette œuvre ne s’éloigne pas des vérités de la foi: c’est l’avis qu’expriment à son sujet, depuis plus de 30 ans, non seulement des personnes autorisées et consacrées, mais des chrétiens qui vivent selon l’esprit de l’Église. Elle n’entame pas l’intégrité des mœurs: l’évidence en est donnée par les fruits de conversion spirituelle qu’elle produit constamment chez ses lecteurs partout dans le monde. Cependant, cette œuvre n’a jamais obtenu l’imprimatur*.

Pourquoi? Il n’entre pas dans notre compétence d’éditeur, de donner à cette question une réponse d’autorité, ni même qui soit entièrement satisfaisante. Nous pouvons cependant éclairer le lecteur sur les circonstances et les faits qui ont entouré la naissance de l’œuvre et influencé sa diffusion, afin qu’il sache reconnaître et interpréter judicieusement les signes qui accompagnent une œuvre aussi singulière.Nous divisons notre exposé en 3 parties: 1. la catholicité de l’auteur; 2. la catholicité de l’éditeur; 3. les rapports de l’œuvre avec l’autorité ecclésiastique.

(* Cette affirmation semble incorrecte compte tenu du fait que Mgr Roman Danylak https://fr.wikipedia.org/wiki/Roman_Danylak lui a donné l’imprimatur le 24 janvier 2001.)

La catholicité de l'auteur

Si nous donnons à Maria Valtorta le titre d’auteur, c’est pour nous référer à sa personne juridique, car nous ne sommes pas sans savoir qu’elle récuserait ce qualificatif, puisqu’elle s’est toujours considérée comme un “instrument” ou une “plume” entre les mains de l’Auteur. C’est en 1943, rappelons-le, que Maria Valtorta devint auteur “mystique” (selon l’expression du Père Roschini et d’autres spécialistes), au moment même où elle pensait être arrivée à la fin de sa vie terrestre, que grevaient déjà neuf longues années d’infirmité et d’expériences douloureuses. Cette année-là, contrairement à son attente, se terminait une phase de sa vie, que nous pourrions dire celle de sa formation profonde, et une autre commençait, plus brève mais aussi plus intense, et qui allait porter un fruit inattendu et merveilleux. Sur tout son passé elle venait de mettre un sceau, celui de son autobiographie: son directeur spirituel l’avait en quelque sorte exigée d’elle, et elle avait accepté de l’écrire (et cela, comme auteur véritable) à condition de pouvoir y mettre à nu sa propre conscience, rapportant “tout le bien et tout le mal”. Ainsi son récit, qu’elle fait sous une forme épistolaire captivante et qui se déroule de sa naissance jusqu’au début de l’année 1943, a l’authenticité d’une dernière confession.il n’y a rien dans l’autobiographie de Maria Valtorta qui puisse de quelque façon entacher son adhésion au christianisme (lequel consiste à suivre le Christ) et au catholicisme (qui consiste à le suivre dans l’unique Église qu’il a voulue). Par conséquent, le problème ne se pose pas d’avoir éventuellement à interpréter, à clarifier ou à justifier des expressions douteuses: sous ce rapport, il n’existe pas l’ombre d’une incertitude. Il est aussi naturel à Maria Valtorta de vivre dans l’Église, avec l’Église et pour l’Église, qu’il est naturel de respirer. Les passages du récit autobiographique dans lesquels elle exprime sa catholicité n’ont pas l’éclat d’une attestation, car ils font partie de la trame normale du quotidien. Cependant, il faut en tenir compte. Notons d’abord que Maria Valtorta tenait en haute considération le ministère sacerdotal catholique. Ce n’est pas qu’elle l’ait voulu, mais c’est un évêque, Mgr Cazzani, qui, au cours des derniers exercices spirituels qu’elle fit au collège, lui révéla dans un sermon inspiré ce que devait être son avenir face à Dieu. C’est aussi par l’œuvre de l’Esprit que, quelques années auparavant, elle avait senti toute l’efficacité du saint chrême dans le sacrement de confirmation que lui avait administré le cardinal Ferrari. Aussi, sa recherche continuelle d’un prêtre qui serait son directeur spirituel, montre bien la conscience qu’elle avait d’être dans l’Église et sa volonté d’y demeurer, même si, par ailleurs, elle déclare que c’est Jésus lui-même qui dirige son âme, l’aide d’un prêtre lui faisant souvent défaut. Ayant trouvé un vrai directeur en la personne du Père Migliorini, elle s’abandonne à lui avec une confiance filiale et avec reconnaissance pour un tel privilège; elle se sentira comme une orpheline quand les événements la priveront de la présence de son père spirituel. Enfin, son amour pour le sacerdoce qu’a institué le Christ afin de continuer sa présence dans l’Église, atteint à l’héroïsme, quand elle fait l’immolation d’elle-même pour tous les prêtres. Maria Valtorta adhérait profondément au principe de l’autorité hiérarchique. Avouant avoir lu, lorsqu’elle était adolescente, un livre qui était à l’index le roman Il Santo de Fogazzaro), elle affirme l’avoir fait à cause de son “esprit religieux encore faible” et S’empresse d’ajouter que par la suite elle obtint de l’évêque la permission de lire les livres condamnés, mais qu’elle en a “bien peu usé”. Au terme de sa mission d’écrivain, avant que ses propres facultés et capacités ne soient sacrifiées dans l’offrande totale qu’elle avait faite d’elle-même, elle recommandait au Père Migliorini et au Père Berti, qui s’occupaient de chercher à Rome un imprimeur pour ses écrits, de ne pas permettre que l’œuvre soit publiée sans “une approbation sûre”, tout en sachant bien quels sérieux problèmes se posaient aux deux religieux. Il faut remarquer combien est important chez Maria Valtorta le sens de son appartenance à l’église locale, qui est l’image de l’Église universelle, comme cela allait être enseigné plusieurs années après par le concile Vatican Il.Elle se déclare opposée, par exemple, à chercher des prêtres en dehors de sa paroisse et le fait seulement si elle y est contrainte par l’impossibilité d’obtenir l’aide de ceux qui y sont.Lorsqu’elle éprouve le désir irrésistible de mettre à profit ses talents personnels dans une forme d’apostolat, elle le fait en entrant dans l’Action catholique paroissiale; si elle y souffre de désaccords avec les dirigeants, elle a la satisfaction de servir, sans, par ailleurs, aspirer à une charge.Sa manière d’être dans l’Église présente une certaine incohérence paradoxale. Maria Valtorta est riche en ressources personnelles: intelligence et courage, culture et charme, force de caractère et condition sociale; elle a un ardent amour de Dieu et du talent pour la communication humaine. Mais en même temps, elle reçoit de l’opposition, on la défavorise, on la déprécie. Pourtant, nous ne voyons jamais surgir en elle la moindre pensée de pouvoir se passer des autres, de faire valoir ses propres capacités, de former des disciples, de fonder un mouvement ou un groupe. Il n’y a absolument pas en elle la vocation d’être chef, même si elle en a les qualités. Il n’y a en elle que la certitude de sa propre “nullité”, de la “gratuité” des dons reçus et du “devoir” de les rendre à Dieu, comme il Lui plait, avec une disponibilité qui est tout simplement héroïque. On ne trouvera pas facilement chez les grands mystiques la totalité du sacrifice que l’on constate chez Maria Valtorta et que révèlent sa “peur” d’être connue, sa demande à Dieu de ne porter aucun signe visible de la Passion mais seulement d’en sentir les effets dans sa chair, en même temps que toute l’amertume du calice qu’elle voudrait boire jusqu’au fond à cause de sa soif inextinguible d’“amour”. Sans nous arrêter ici à considérer quels fruits un pareil sacrifice a pu donner, nous voulons seulement y voir un témoignage extrême de catholicité, sous la forme d’une “mort” en vue d’une “résurrection” dans le Christ et dans l’Église.Église du Christ, Église apostolique, Église des prêtres, Église des saints. Un ample souffle ecclésial anime le sens qu’a Maria Valtorta de la communion des saints, au sujet de laquelle elle s’exprime en ces mots dans son autobiographie: “Quand je pense que le bonheur dont je jouis me vient par des fleuves célestes dont chaque flot est formé des mérites du Saint parmi les enfants des hommes, de mon Jésus, des grâces de celle qui est Toute Grâce et de l’ensemble des œuvres et de la charité de la multitude innombrable des martyrs, des vierges, des pénitents, des confesseurs, je me sens ravie en un élan de joie reconnaissante et je sens que, aussi longtemps que je mériterai cette infusion de vie, je ne pourrai périr. Je suis un pauvre être, mais tels qu’une armure qui renforce ma faiblesse, les trésors des saints œuvrent autour de moi, me rendant capable de vivre la vie de la foi. Quand, voyant ma nullité qui ne sait rien [faire] sinon souffrir avec joie pour imiter le Maître et tous ses élus, je pense que c’est à elle qu’il est accordé de devenir une goutte dans l’immense fleuve de tous ces mérites et d’aller ainsi porter ma fraîcheur aux âmes qui brûlent dans les flammes humaines, mon bain aux âmes salies par les fautes, mon huile de charité à ceux qui sont blessés par la vie, ma nourriture à ceux qui sont abandonnés par le sort, mon chant à ceux qui sont tristes et mes pleurs aux défunts, alors je m’abaisse en un abîme d’humilité qui adore et bénit! Puissé-je, en vertu seulement du sang spirituel de l’Église qui circule en moi, moi qui suis nullité, misère, faiblesse, puérilité, puissé-je être une force, une lumière, un moyen pour donner Dieu aux âmes et avec Dieu toute grâce, et donner les âmes à Dieu et, avec les âmes, de quoi lui enlever sa soif!”Pour préciser encore l’essence de la catholicité de Maria Valtorta, soulignons l’importance de l’Eucharistie dans sa spiritualité, dont il existe de très nombreux signes tout au long de sa vie. Arrêtons-nous ici, laissant au lecteur l’initiative de constater que tous les écrits de Maria Valtorta, et non seulement l’autobiographie sur laquelle surtout nous nous sommes penchés, montrent sa catholicité personnelle, qu’elle a moins déclarée explicitement qu’elle ne l’a vécue pleinement.

La catholicité de l'éditeur

C’est à Isola del Liri, petit centre industriel pittoresque du Latium, que l’imprimeur Hugo Arthur Macioce fonda, au début du siècle, la “Tipografia Arturo Macioce”. Au cours des années suivantes, Michel Pisani, jeune frère de l’épouse du fondateur, commença à participer à la gestion de l’entreprise. À la fin de 1921, l’association de Macioce et Pisani prit une forme juridique qui donna naissance à la “Stamp” (Società tipografica A. Macioce & Pisani).Les pertes subies par l’établissement pendant la seconde guerre mondiale et l’âge avancé de Macioce, entrainèrent la dissolution de la société en 1945. L’année d’après, Michel Pisani reprit à son compte les activités de l’entreprise sous la raison sociale de “Tipografia Editrice M. Pisani” (telle qu’elle est connue aujourd’hui).

A la mort du propriétaire Michel Pisani, le 4 mars 1965, ses fils Emile et Hector, qui s’étaient occupés activement de l’imprimerie paternelle depuis leur enfance, prirent la relève. À partir du 1er juillet 1973, les frères Pisani, tout en demeurant copropriétaires de l’entreprise qui gardait le nom de leur père, se partagèrent les tâches, Hector prenant la responsabilité de l’imprimerie, et Emile celle de l’édition. Ainsi, Emile Pisani pouvait se consacrer exclusivement à la publication des écrits de Maria Valtorta, dont il s’était chargé déjà dès les tout début dans les années 50.La maison M. Pisani éditeur et imprimeur, bien qu’au nombre des petites industries, figure aujourd’hui parmi les plus modernes par son installation, et continue à être connue pour la production du livre dans le secteur spécifique qu’elle exploite.Voilà pour l’histoire de son statut juridique et de son organisation.La production de Macioce & Pisani dans les débuts et de Pisani par la suite, a toujours été orientée vers le service de l’Église catholique, service qui s’est consolidé en une tradition.

Parmi les clients avec lesquels l’établissement a entretenu des rapports réguliers et continus, on peut énumérer les Œuvres missionnaires pontificales, les Postulateurs des causes des saints, des Maisons générales d’ordres et de congrégations tant d’hommes que de femmes, des institutions nationales comme l’Apostolat de la prière et l’Action catholique (l’Union des femmes et le Centre national des activités catéchétiques), des éditeurs pontificaux comme Desclée, l’Institut historique de la Compagnie de Jésus, l’abbaye du MontCassin. Parmi les clients occasionnels, mais non moins importants, on peut compter d’innombrables instituts religieux de Rome, des organismes culturels catholiques et des maisons d’édition catholiques, ainsi que plusieurs ecclésiastiques ou laïques engagés. Regardant son passé, notre maison peut se flatter d’avoir imprimé les premiers livres de la Société Saint Paul naissante, d’avoir accompagné dans leurs premiers pas vers la notoriété des hommes tels que Igino Giordani, d’avoir reçu la visite d’illustres personnalités comme le Père Agostino Gemelli, d’avoir été honoré de l’amitié de cardinaux, dont Alexis M. Lépicier, Carlo Salotti et Celso Costantini. La production polyglotte et l’usage répandu du latin dans les publications ecclésiastiques jusqu’aux années du Concile Vatican II, ont fait en sorte que le nom de l’imprimerie Pisani, héritière de la maison Macioce & Pisani, était connu dans tous les milieux à travers le monde, où, pour des raisons de culte ou de formation à la piété et aux connaissances religieuses, se fait entendre la voix de la Rome catholique.A côté de l’impression de livres pour une clientèle choisie, dont nous avons donné à titre d’exemple une liste forcément incomplète, la maison Macioce & Pisani avait également ses propres éditions, aux auteurs prestigieux, dans les secteurs de l’hagiographie et de l’ascétique surtout, mais aussi de la piété et de l’actualité religieuse, ainsi que, plus généralement, de la tradition théologique. Mais après la guerre, lorsque l’ancienne maison reparut sous le nom de Pisani, elle s’occupa, avant tout, à récupérer les commandes d’impression, négligeant presqu’entièrement son département de l’édition. 

Présentement, les services de l’édition proprement dite se limitent aux œuvres de Maria Valtorta, soit dans la langue originale italienne ou dans les traductions qui sont en cours. De son côté, l’imprimerie Pisani continue à exécuter les commandes de sa clientèle particulière. Le caractère catholique de notre maison ne tient pas seulement aux personnes de sa clientèle et à la nature de ses publications pendant presque 80 ans d’activité, mais il tient également à la personne de ses propriétaires. L’engagement religieux du fondateur Hugo Arthur Macioce, décédé en 1960, s’est manifesté par de courageux témoignages au temps de l’anticléricalisme. La famille Pisani, avec laquelle l’aïeul Macioce s’allia en 1907 en épousant l’aînée Giulia, était du type patriarcal avec 13 enfants, dont le dernier était Michel. Parents et enfants, tous sans exception, surent donner pendant la durée de leur vie (il n’y a aujourd’hui qu’une survivante) le solide exemple d’une intelligente assiduité au travail et d’un constant attachement à l’Église et à la foi catholique, jusqu’à devenir en certains cas les bienfaiteurs providentiels d’institutions ecclésiastiques et d’œuvres de charité. En 1943, le propriétaire, Michel Pisani, fut nommé Chevalier de l’Ordre de saint Grégoire le Grand par un bref apostolique de Pie XII, sur la proposition de l’Union missionnaire pontificale du clergé. Son fils Émile, éditeur et curateur des écrits de Maria Valtorta, est président diocésain de l’Action catholique.

Le rapport de l'œuvre avec l'autorité écclésiastique

Le contenu de cet article, que nous pouvons, après 25 ans, relire avec une sérénité éprouvée, correspond à son titre, puisqu’il ne signale aucune erreur substantielle dans l’œuvre. L’auteur anonyme de l’article, après avoir fait remarquer l’absence de l’imprimatur, prescrit pour une telle publication, et l’inconsistance du rapprochement avec Dante que fait l’éditeur dans sa brève préface, décrit l’œuvre comme n’étant qu’une longue vie de Jésus, prolixe et romancée, et dénonce l’abus de confiance dont auraient été victimes les illustres personnalités qui lui ont accordé leur appui. Il expose ensuite les motifs, qu’il dit facilement reconnaissables à tout lecteur armé d’une patience de bénédictin, pour lesquels le Saint Office a cru nécessaire de mettre l’œuvre à l’Index des livres défendus:

  • La longueur des discours attribués à Jésus et à la très sainte Vierge; les interminables dialogues entre de nombreux personnages.
  • Jésus est loquace à l’extrême, en véritable publicitaire, toujours prêt à se proclamer Messie et Fils de Dieu et à faire des exposés de théologie dans les termes mêmes qu’emploierait un professeur de nos jours.
  • La très sainte Vierge a la faconde d’une propagandiste moderne; elle est présente partout, toujours prête à donner des leçons d’une théologie mariale mise à jour selon les plus récentes études des spécialistes actuels en la matière.
  • Le récit se déroule au rythme lent de vains bavardages; on y trouve de nouveaux faits, de nouvelles paraboles, de nouveaux personnages et tout un cortège de femmes à la suite de Jésus. Quelques pages… plutôt scabreuses (dont deux exemples sont donnés: la confession de la pécheresse Aglaé à la Vierge Marie et une danse exécutée devant Pilate) suscitent imprévisiblement cette remarque particulière: l’œuvre… pourrait facilement tomber entre les mains de religieuses et des étudiantes de leurs collèges. Dans ce cas, la lecture de passages de ce genre… pourrait difficilement être faite sans danger ou dommage sur le plan spirituel.
  • Les spécialistes des études bibliques y trouveront certainement beaucoup d’erreurs historiques, géographiques et autres (qui cependant ne sont pas indiquées).Au milieu d’un si grand étalage de connaissances théologiques, on peut cueillir quelques perles qui ne brillent certes pas par leur orthodoxie catholique; et on en énumère quatre: 1) ici et là s’exprime, au sujet du péché d’Adam et Eve, une opinion plutôt extravagante et inexacte; 2) l’affirmation que Marie peut être appelée la seconde-née du Père est suivie d’une explication qui, tout en évitant une hérésie authentique, n’enlève pas l’impression fondée qu’on veut construire une nouvelle mariologie qui dépasse facilement les bornes de la conformité théologique; 3) à propos d’une définition du Paradis qui y est donnée, on présente une notion hermétique et plus confuse que jamais, ce qui est heureux, car si on devait la prendre à la lettre, elle n’échapperait pas à une censure sévère; 4) une autre affirmation au sujet de la sainte Vierge est qualifiée d’étrange et imprécise, mais on ne fait que la citer.

L’œuvre aurait donc mérité une condamnation même s’il ne se fût agi que d’un roman, ne serait-ce que pour des raisons d’irrévérence. Mais en réalité l’intention de l’auteur va plus loin encore… l’auteur se révèle une femme qui déclare avoir été témoin de tout le temps messianique et se nommer Maria. Ces mots évoquent des souvenirs d’il y a environ une dizaine d’années, alors que circulaient certains textes dactylographiés volumineux, qui contenaient de prétendues visions et révélations. On sait qu’alors l’autorité ecclésiastique compétente avait défendu l’impression de ces textes dactylographiés et avait ordonné qu’ils soient retirés de la circulation. Et maintenant nous les voyons reproduits presque en entier dans la présente œuvre. Cette condamnation publique de l’œuvre par la Suprême Sacrée Congrégation est donc d’autant plus opportune, qu’il s’agit de désobéissance grave.

Tels sont les passages essentiels que nous avons retenus de l’article. Faisons maintenant les observations suivantes:

  1. L’auteur anonyme de l’article n’a pas réussi à trouver dans ces quelques 4000 pages imprimées en petits caractères, ne serait-ce qu’une seule erreur véritable et précise, mais seulement: quelques perles qui ne brillent certes pas par leur orthodoxie catholique; une opinion plutôt extravagante et inexacte; une affirmation dont l’explication limite le sens, tout en évitant une hérésie authentique; l’impression fondée qu’on veut construire une nouvelle mariologie; une notion hermétique et plus confuse que jamais, de sorte que, si on devait la prendre à la lettre, elle n’échapperait pas à une censure sévère; une autre affirmation étrange et imprécise; des raisons d’irrévérence.
  2. Il laisse échapper des éloges de l’œuvre qui feraient l’envie de tout auteur religieux: des leçons de théologie dans les termes mêmes qu’emploierait un professeur de nos jours; des leçons d’une théologie mariale mise à jour selon les plus récentes études des spécialistes actuels en la matière; un si grand étalage de connaissances théologiques.
  3. Il énonce une contre-vérité lorsqu’il affirme que, dans cette œuvre, Jésus est loquace à l’extrême, en véritable publicitaire… et que la très sainte Vierge Marie a la faconde d’une propagandiste moderne, elle est présente partout…
  4. Il se montre superficiel ou incompétent en critique littéraire, à laquelle d’ailleurs il aurait dû renoncer, car elle ne peut apporter aucun critère qui ait sa place dans une censure ecclésiastique.
  5. Il affirme, dans sa conclusion, le caractère avant tout disciplinaire des dispositions prises par le Saint Office.

Si le décret de condamnation issu de la Suprême Sacrée Congrégation du Saint Office nous chagrinait comme catholiques, nous étions cependant rassurés par cet article qui en expliquait les motifs. Nous nous sommes aussitôt rendu compte que l’Église, en frappant l’œuvre de Maria Valtorta par une mesure légitime mais étrangère à son magistère infaillible, ne faisait que répéter un geste plusieurs fois posé dans son histoire, et toujours mystérieusement permis par Dieu, contre des personnes et des écrits dont, par la suite, elle aurait à se glorifier. Nous l’acceptâmes en silence.Maria Valtorta, déjà entrée dans son inexplicable isolement psychique, allait mourir l’année suivante, le 12 octobre 1961. Le Père Migliorini, emporté par la maladie, s’était éteint en 1953. Avec l’étroite collaboration du Père Berti, nous avons trouvé le moyen de reprendre la publication de l’œuvre selon des critères qui n’excluraient pas le respect dû à l’autorité de l’Église. Il s’agissait, au fond, de ne pas trahir une foi qui s’était enracinée en nous et d’empêcher que d’autres éditeurs, au cas où nous renoncerions à cette publication, s’approprient cette grande œuvre et la fassent servir à d’autres intentions, pouvant même tirer profit de la condamnation ecclésiastique à des fins publicitaires. En décembre 1961, après la parution des premiers volumes de la nouvelle édition qui allait en compter dix, le Père Berti fut de nouveau convoqué par le Sainte Office. Il y trouva une atmosphère de dialogue qui lui permit, entre autre, de rapporter les paroles de Pie XII en 1948 et de montrer les témoignages favorables qu’avaient formulés quelques personnalités, parmi lesquelles il y avait trois conseillers du même Saint Office: le Père Bea (devenu cardinal), Monseigneur Lattanzi et le Père Roschini. Suite à la demande qu’on lui fit d’un rapport et de quelques documents, le Père Berti dut retourner au Saint Office à quatre reprises en janvier 1962. Il put toujours s’entretenir avec le vice-commissaire, le Père Giraudo, dominicain, et en obtint, enfin, un jugement qui avait la forme d’une autorisation modérée: “Nous verrons comment l’œuvre sera accueillie”.Puis ce fut l’annonce d’un Concile œcuménique, et l’Église tourna ailleurs son attention. L’œuvre de Maria Valtorta s’étant relevée du coup qu’elle avait subi, avait déjà repris le chemin, lent, silencieux et continu, de sa diffusion. Elle recueillit sans cesse des approbations et sema un bien incalculable pendant tout le pontificat de Paul VI. En 1966, l’Index des livres défendus fut supprimé et la censure des lecteurs et éditeurs qui en découlait fut abrogée, en vue d’une révision de toute la question, laquelle aboutit à une nouvelle réglementation en 1975. Vers la fin de l’année 1978, un monseigneur de la Curie romaine, lecteur et amateur profond de l’œuvre, et ami déjà du cardinal Wojtyla, conseillait à l’éditeur Emile Pisani d’offrir en hommage au Saint Père Jean-Paul Il les dix volumes de l’œuvre valtortienne. En janvier 1979, ce même monseigneur porta au palais apostolique le coffret contenant les volumes reliés, accompagnés d’une longue lettre écrite par lui-même et d’une autre plus brève de l’éditeur. Nous tentions ainsi de nous approcher du nouveau Pontife, qui aime tant le contact direct avec les fidèles et avec toute personne, sans discrimination aucune. Mais nous avons raison de croire que cette initiative, inspirée d’un sentiment sincère de dévouement filial, a été bloquée par la Secrétairerie d’État.

 

Il nous reste, pour le moment, la consolation de voir l’expansion prodigieuse de l’œuvre de Maria Valtorta qui, sans recours à la publicité, rejoint ses lecteurs en Italie et à l’étranger, jusque dans les pays les plus éloignés, et nous en rapporte des échos du bien profond qu’elle accomplit dans les consciences, les éveillant à l’amour de Jésus-Christ et de son Église. Il y a là les signes d’une approbation qui, à nos yeux, commence à avoir une valeur ecclésiale, parce qu’elle montre que le peuple de Dieu, qui est Église, a reconnu l’œuvre comme les disciples d’Emmaüs reconnurent le Seigneur, et il ne peut s’en détacher. Cette approbation prend du poids, lorsque, parmi ces fidèles lecteurs inconnus, ressortent des personnalités de renom qui attestent la grandeur de l’œuvre, l’expliquent et s’en portent garantes. On ne peut les contredire sans porter atteinte à l’estime qu’a le monde catholique pour les champions de la doctrine sûre et des saintes mœurs.

©Centro Editoriale Valtortiano, Italie. www.mariavaltorta.com